A peine déposés le 16 juillet dernier, le petit panneau et les fleurs honorant la mémoire des 13152 victimes de la Rafle du Vélodrome d’hiver ont été retirés par les soins de la commune dès le lundi 19 juillet. Concomitamment, les thuriféraires de Madame le Maire n’ont pas manqué de se faire entendre sur les réseaux sociaux pour mettre en cause notre initiative. C’est donc sans grande surprise que nous avons pris connaissance de la réponse négative apportée par notre élue à un projet mémoriel pour le jardin Leguay, après deux mois d’attente.
Nous vous faisons suivre ce courrier du 20/07/2021 en l’accompagnant de quelques remarques :
– L’acquisition « à l’amiable » du terrain a été présentée dans la décision 02/2020 (consultable en ligne au recueil des actes administratifs de la commune) comme la préemption d’un bien au prix de la Déclaration d’intention d’aliéner, soit 60 000 euros. Nulle mention de conditions particulières ou de servitudes (le panneau honorant les anciens propriétaires?). S’il en existe, elles n’ont pas été précisées au Conseil Municipal.
– Quant à l’argumentaire, on ne peut qu’être gêné de retrouver une rhétorique bien connue d’inversion des victimes régulièrement utilisée par certains depuis l’après-guerre. Les victimes ne sont plus les milliers de déportés assassinés mais la famille de leur bourreau sur laquelle l’opprobre serait injustement jeté. Il n’est pourtant évidemment pas question de rendre des descendants par principe héritiers d’un lourd passé familial dont ils ne sont pas responsables. Mais dans le cas présent, comment ne pas être troublé par le silence entretenu pendant des décennies à tel point qu’à Chevreuse très peu « savaient » ? Et quand l’un des neveux de Jean Leguay a pris la plume en 2012 pour le bulletin d’histoire locale « Mémoire de Chevreuse » (n°10/2012), ce fut pour y évoquer « Victorien Leguay et les siens à Chevreuse » sans que le lecteur ne trouve la moindre trace du nom de Jean Leguay. La période de la Seconde Guerre mondiale est pourtant rappelée (p. 69) par l’auteur, alors enfant, accueilli dans la vaste bâtisse, à la fois maison familiale et étude notariale Leguay à Chevreuse :
Cette grande maison et son parc, je les revois soudain, lovés tendrement dans les replis de mes souvenirs d’enfance pendant la dernière guerre mondiale là où ils s’étaient endormis un peu flous dans le lointain […]Dans le salon bien éclairé, des fauteuils confortables permettaient à ma grand-mère de me prendre tout petit sur ses genoux et de me lire et relire des histoires de Boucle d’or et des trois ours ou celle d’« Agenor Kangourou se marie ». Souvenir lumineux qui m’a propulsé pour toujours dans le territoire de la lecture si cher à mon cœur.
Que penser de ces lignes alors qu’en 2012, l’auteur ne pouvait pas ignorer la gravité des crimes commis par son oncle pendant la guerre ? Est-il bien opportun de mettre en avant ces douces réminiscences personnelles en si tragique décalage avec le sort atroce infligé à des milliers d’enfants juifs avec la complicité active de Jean Leguay (qui insista auprès des autorités allemandes pour leur déportation) ?
Pas une phrase, pas un mot pourtant à ce sujet.
Contre le silence et l’oubli, notre commune se doit aujourd’hui de faire face et de faire entendre une voix dénuée de toute ambiguïté. Rappelons la position de refus ferme exprimée en son temps au nom de l’Histoire par Philippe Dugué, Maire de Chevreuse, déjà sollicité par certains héritiers Leguay pour un hommage à la famille. Le « jardin Marie-Louise et Pierre » mérite d’être rebaptisé maintenant qu’il est propriété municipale.
– Quant à la « commission ad’hoc » du 22 juin dont Pierre Godon est le capitaine : elle décide ce que le maire a décidé. Fervent partisan de la permaculture, je suis heureux que ce terrain s’inscrive dans la biodiversité et je ne doute pas de la pertinence des projets présentés mais sur un terrain de plus de 2000 m², on peut à l’évidence sans problème réserver un espace pour un projet mémoriel. C’était pour Madame le Maire l’occasion à saisir d’un acte politique fort, tout à son honneur et à l’honneur de Chevreuse. Dommage, elle est passée pour le moment à côté.
Mais nous lui faisons confiance pour qu’elle change d’avis.
(A SUIVRE)